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Histoire de la Place Stanislas à Nancy

La célébrissime Place Stanislas à Nancy (Crédits photo : Joseph ADAMO pour le Groupe BLE Lorraine)

De la même manière que les Champs Elysées, à Paris, passent pour être la plus belle avenue du monde, la Place Stanislas, à Nancy, serait la plus belle place de la planète. Serait … Il faut probablement garder ici le conditionnel. Car à la Place Stanislas, les Parisiens préfèreront sans doute la Place Vendôme, les Russes la Place Rouge, les Italiens la Place Saint-Marc ou la fameuse Piazza Navona.

Mais qu’importe après tout ! Pour les Lorrains, et a fortiori pour les Nancéiens, la Place Stanislas est bien la plus belle du monde. Elle permet à la vieille capitale du Duché de Lorraine de se faire connaître dans la France entière, voire au-delà. Si bien que quelques mauvaises langues vont jusqu’à dire qu’en dehors de cette fameuse Place Stan’, il n’y a pas grand-chose à voir à Nancy.

Restons objectifs. Sans entrer dans le débat, demandons-nous simplement ce qui peut bien faire le charme de la Place Stanislas. A première vue, rien de transcendant. Quasiment aucun arbre. Une place très minérale donc, entourée de bâtiments classiques, rehaussés de balustrades elles-mêmes ornées d’angelots et de pots à feu. Deux fontaines, un peu trop baroques. Des grilles dorées à chaque entrée de la place et, au milieu de tout cela, la statue d’un Stanislas dodu, dont le doigt, pointé vers le Nord, indiquerait, d’après les mêmes mauvaises langues, la direction du quartier des dames de petites vertus. C’est une manière de voir les choses. Une manière très messine au fond. Car c’est bien connu, les Messins jalousent les Nancéiens … Et vice-versa.

Fontaine Amphitrite
La Fontaine d’Amphitrite sur Place Stanislas à Nancy (Crédits photo : Joseph ADAMO pour le Groupe BLE Lorraine)

Bon, pour la deuxième fois, essayons de rester objectifs. La Place Stanislas, c’est d’abord et avant tout un trait d’union. Une sorte de pont, jeté entre la vieille ville médiévale de Nancy et la ville neuve, érigée sur les ordres du Duc Charles III, à la fin du XVIème siècle. Construite au cœur de la cité, elle est, à l’origine, une place royale. Un acte d’allégeance de la Lorraine, envers le Royaume de France qui s’apprêtait à l’annexer. D’ailleurs, à l’origine, ce n’était pas le bon Stanislas qui trônait au milieu de la place, sur son piédestal, mais une statue de son gendre, le Roi Louis XV, représenté avec sa perruque et dans un déhanché qui illustraient bien la vanité des ambitions françaises.

Mais pour toute française qu’elle se voulait être, la Place Stanislas n’en demeurait pas moins l’œuvre d’artisans lorrains. Aménagée entre 1751 et 1755, elle est principalement l’œuvre de l’architecte nancéien Emmanuel Héré. D’instinct, celui-ci rassemble, autour d’une place qui doit servir de carrefour au cœur de la ville, plusieurs bâtiments administratifs et culturels. L’Hôtel de Ville, l’Hôtel des Fermes (actuel Opéra National de Lorraine), l’Académie de Médecine (actuel Musée des Beaux-arts) et plusieurs autres pavillons, dont deux, de taille plus modeste, qui ouvrent une perspective sur un élégant arc de triomphe derrière lequel s’étire la Place de la Carrière. Dans les coins Nord de la place, deux fontaines monumentales viennent embellir les lieux. Les sculptures, de style rococo, sont dues au talent de Barthélémy Guibal. L’une représente Neptune, dieu romain des mers et des océans. L’autre, la Néréide Amphitrite qui, selon la mythologie antique, n’était autre que l’épouse de Neptune-Poséidon. Ces fontaines enfin, comme chacune des six entrées qui mènent à la place, sont ornées de grilles dont les volutes dorées ont fait la réputation de Nancy. Elles sont l’œuvre de Jean Lamour, un ferronnier d’art au talent mondialement reconnu.

grilles Jean Lamour
Les grilles de Jean Lamour, ferronnier d’art lorrain (Crédits photo : Joseph ADAMO pour le Groupe BLE Lorraine)

La place, inaugurée le 26 novembre 1755, est pourtant boudée, à l’origine, par les Lorrains qui, ayant bien remarqué les petites fleurs de lys cachées, çà et là, dans le décor, y voient un affront à leur indépendance. Pendant la révolution française, la Place Royale change de nom. Baptisée « Place du peuple » en 1792 (la statue de Louis XV est détruite à cette occasion), puis « Place Napoléon » en 1804, elle ne devient « Place Stanislas » qu’en 1831. Cette année-là, on inaugure une nouvelle statue au milieu de la place. Une statue qui rend hommage à Stanislas Leszczynski, Roi de Pologne devenu Duc de Lorraine, le dernier à avoir régné sur le duché.

Malgré le talent des architectes, sculpteurs et ferronniers d’art, la Place Stanislas est encore loin de devenir la plus belle du monde. Ouverte à la circulation, elle ressemble à un vaste rond-point. De 1958 à 1983, la municipalité de Nancy autorise même le stationnement des véhicules sur la place ! Se garer Place Stan’ ! Cela paraît si inconcevable aujourd’hui.

lampadaire Place Stanislas
La Place Stanislas est inscrite au patrimoine mondiale de l’Humanité par l’UNESCO (Crédits photo : Joseph ADAMO pour le Groupe BLE Lorraine)

Car le lieu, fort heureusement, a fait l’objet d’une importante campagne de réhabilitation en 2005, à l’occasion du 250ème anniversaire de son inauguration. Restaurée selon un tableau d’époque, elle est aujourd’hui un atout de charme pour la cité, une vitrine du savoir-faire lorrain. Un témoin unique de l’art classique dans l’Est de la France. Et aussi, un véritable forum pour les Nancéiens, qui ont coutume de se donner rendez-vous Place Stan’, avant d’aller boire un verre au Jean Lamour, la brasserie locale, en terrasse de laquelle chacun convient généralement que la Place Stanislas est peut-être bien … la plus belle du monde.

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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6 Commentaires

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  1. Avec 267 monuments classés, Nancy est la quatrième ville de l’Hexagone qui compte le plus de monuments historiques. Seules les villes de Paris (1855), de Bordeaux (377) et de La Rochelle (294) font mieux. Cette incroyable densité de joyaux s’explique par l’histoire de la cité ducale. En effet, Nancy a été pendant des siècle la capitale d’un Etat indépendant, la Lorraine. Résidence des Ducs de Lorraine, la cité a attiré toute la cour souveraine. La noblesse y a fait construire des résidences secondaires en Vieille Ville pour être proche du pouvoir. Aujourd’hui encore, plus de 75 hôtels particuliers de cette époque sont visibles. Par ailleurs, Nancy a connu un nouvel âge d’or à la fin du XIXème siècle avec le mouvement Art Nouveau et l’arrivée d’industriels. Certains d’entre eux se sont enrichis, notamment grâce aux brasseries, et ont créé un magnifique patrimoine privé, à l’image des immeubles de la Rue Lepois. Tout cela avant que l’Art Déco n’imprègne la ville un peu plus tard.

  2. Nancy fête cette année les quarante ans de son classement au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO pour son exceptionnel espace urbain central et monumental du XVIIIème siècle qui englobe les Places Stanislas, de la Carrière et d’Alliance, ainsi que les Rues Héré et Lyautey. On l’ignore souvent mais le périmètre de sept hectares classé en 1983 comprend en effet également ces deux rues. Si la première a déjà été revalorisée, la seconde mériterait de l’être aussi. L’histoire retient de même que la création de ce joyau architectural marque la victoire d’un souverain lorrain, Stanislas, sur le gouverneur français Chaumont de La Galaizière, qui n’en voulait absolument pas. D’ailleurs, l’UNESCO ne s’y trompe pas dans sa présentation de « l’un des paysages urbains les plus harmonieux de l’époque des Lumières » : « Les Places Stanislas, de la Carrière et d’Alliance constituent l’exemple le plus ancien et le plus typique d’une capitale moderne, où un monarque éclairé s’est montré soucieux d’utilité publique ».

  3. Œuvre de Jean Lamour, elles garnissent, ces admirables ferrures dorées, les entrées de la Place de la Carrière et de la Place Stanislas, toute proche. Il faut se souvenir d’ailleurs que cette dernière, avant d’être rebaptisée du nom de l’ancien Roi de Pologne, était une place royale, destinée à magnifier Louis XV, Roi de France, sous le règne duquel les Duchés de Bar et de Lorraine ont été rattachés au royaume des lys.

    Inaugurée en 1755, la Place Stanislas, ou Place Royale pour être plus exact donc, affiche un programme iconographique résolument francophile. En plus de la statue du roi qui trônait au centre de la place, on trouvait dans les volutes des grilles qui ferment la place, des fleurs de lys, des L entrelacés (pour Louis) et des coqs pour soutenir les lanternes. Le coq étant depuis l’Antiquité, un symbole bien gaulois, en vertu de la proximité phonétique entre les mots latins Gallus (le coq) et Gallicus (le Gaulois, l’habitant de la Gaule).

    En somme, ces grilles dorées nous invitent à regarder le patrimoine, à le scruter dans ses moindres détails, à admirer le savoir-faire de nos ancêtres.

  4. Les trois pieds qui tiennent une représentation de Soleil sur la paroi du bâtiment au-dessus du Café Foy, Place Stanislas à Nancy, ne constituent pas un cadran solaire mais une méridienne. Les méridiennes, qui étaient très répandues entre le XVIIème et le XIXème siècle, indiquaient le midi moyen grâce à la projection d’un point lumineux sur un cadran, ou sur les gradations d’un mur comme celle qui trouve au coin de la Place Stanislas. Elles étaient généralement installées de manière bien visibles sur des façades Sud, dans des lieux publics. Les méridiennes étaient très pratiques pour remettre à l’heure les montres qui n’avaient pas à l’époque la précision d’aujourd’hui. A noter qu’une seconde méridienne est implantée sur la Place Stanislas au-dessus du Café Jean Lamour. Fabriquée par un ingénieur de Lunéville dénommé Jeandel, elle a été mise en place en 1840 pour remplacer un cadran solaire qui datait de 1771.

  5. La Place Stanislas de Nancy a été désignée « monument préféré des Français » 2021 lors d’une émission du même nom présentée par Stéphane Bern sur France 3. Elle s’est pour cela imposée face, entre autres, au théâtre antique d’Orange, aux tours du port de La Rochelle ou encore face aux remparts de Saint-Malo. Classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis 1983 et considérée comme la plus belle place du monde, la Place Stanislas a été rénovée en 2005 à l’occasion de ses 250 ans. Elle était également alors devenue piétonne après avoir été pendant longtemps un parking. Elle constitue un ensemble architectural du XVIIIème siècle parfait avec ses quatre pavillons, son arc de triomphe, sa statue, ses fontaines, ses ferronneries dorées à la feuille d’or et plus récemment ses pavés flamboyants.

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