Dans un avis détaillé de 56 pages rendu il y a quelques semaines dans le cadre de la demande de Déclaration d’Utilité Publique (DUP), l’Autorité Environnementale (AE) formule de nombreuses recommandations à l’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) au sujet du projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Un rapport que les opposants considèrent comme explosif tant certaines observations ressemblent à des critiques selon eux.
Tous les enjeux de ce stockage hors norme sont passés au crible par l’AE. Du choix d’implantation en terre meusienne aux épineux enjeux liés à la réversibilité et la sécurité, en passant par le choix même de l’argile comme roche d’accueil ou encore de la conception technique du site d’entreposage, l’AE balaie un large spectre. Son avis a le mérite de faire le tour de la problématique et de souligner certaines questions, notamment celles qui fâchent. Elle estime ainsi que les enjeux environnementaux ne sont pas toujours suffisamment pris en compte, tout comme les perspectives de développement économique et démographique de ce bout de Lorraine. Ces dernières seraient examinées que sur le court terme au détriment de la maîtrise de « la vulnérabilité du territoire à long terme ». L’AE pointe par ailleurs un certain manque de stratégie en cas d’accident et l’absence d’un « programme détaillé d’études complémentaires de maîtrise des risques et de surveillance ». Elle n’est pas non plus totalement rassurée sur les incidences que ce stockage souterrain pourrait avoir sur les sites Natura 2000 du secteur et sur les milieux aquatiques. Elle regrette par ailleurs de pas disposer de suffisamment d’éléments pour mieux appréhender la « sûreté de la chaîne de conditionnement et de transports des déchets » nucléaires.
L’Autorité Environnementale considère également que le choix du projet d’enfouissement a été réduit à la couche d’argilite du Callovo-Oxfordien sans pour autant démontrer que celle-ci est bien la plus appropriée pour stocker les déchets radioactifs pendant plusieurs millénaires. Elle recommande ainsi que des études complémentaires soient menées pour comparer les caractéristiques de différents types de roches car la dimension et l’échelle de temps de CIGEO exigent une « démonstration solide » de la pertinence du site de Bure. L’AE ne ferme donc pas la porte à d’autres alternatives. Dans le même ordre d’idée, l’Autorité Environnementale relance le débat autour du potentiel géothermique du sous-sol de Bure, confirmé par le laboratoire suisse Geowatt AG mais toujours minimisé par l’ANDRA. L’AE recommande non seulement de reprendre les études sur ce potentiel géothermique, mais en plus qu’elles soient conduites par des géologues indépendants. Selon elle, ce potentiel représente un risque pour l’exploitation du sous-sol de Bure, d’où l’impérieuse nécessité de mener de nouvelles études pour obtenir des autorisations d’exploitation.
Enfin, la problématique de la réversibilité, fixée par une loi, demande aussi selon l’AE une analyse plus approfondie. Surtout au regard du risque qu’on ne puisse pas récupérer les déchets nucléaires.
Même si l’AE n’a pas la compétence de se prononcer pour ou contre le projet d’enfouissement des déchets radioactifs, l’avis qu’elle vient d’émettre constitue pour de nombreux observateurs une sérieuse invitation à l’ANDRA à revoir sa copie.