A l’été 1871, alors qu’il matérialise la nouvelle frontière franco-allemande décidée par le récent Traité de Francfort, le Lieutenant-colonel Aimé Laussedat se confronte à un problème épineux. Le nœud ferroviaire d’Avricourt représente en effet une véritable aberration, une pomme de discorde entre la France et le jeune Empire allemand, un souci que l’officier entend régler.
En effet, c’est à Avricourt, à quelques kilomètres de la frontière mais en Lorraine devenue allemande que se croisent trois voies ferrées éminemment stratégiques. La première relie Nancy à Strasbourg. La deuxième part d’Avricourt pour aller à Dieuze. On l’appelle « chemin de fer des salines ». La troisième et dernière est surnommée par les gens du cru, « Ligne ABC », puisqu’elle relie Avricourt, Blâmont et Cirey.
Avec le tracé de la nouvelle frontière, cette dernière ligne ferroviaire risque de susciter bien des problèmes. En effet, un voyageur qui voudrait aller de Lunéville à Cirey devrait subir deux contrôles de douane. Le premier en entrant en Allemagne, le second en en sortant. Et idem pour le trajet retour.
Laussedat, aidé par l’ancien ministre Eugène Chevandier de Valdrôme, va remuer ciel et terre pour demander à ce que l’Allemagne rétrocède une partie du territoire communal d’Avricourt, de sorte à faire courir la nouvelle frontière le long de la voie ferrée. L’affaire trainera, Bismarck fera même preuve de mauvaise foi, si bien qu’il faudra attendre le mois d’octobre 1871 pour que la question sera tranchée. L’Empire allemand concède la rétrocession du territoire communal d’Avricourt, mais à la condition que la France finance la construction d’une gare en territoire allemand, à Avricourt. C’est l’acte de naissance de ce bâtiment hors du commun, un peu « kôlossal », pour reprendre l’expression de Barrès. Une gare que l’on désignera sous le nom de Deutsch Avricourt et dont les murs viennent d’être classés au titre des Monuments Historiques grâce à l’intervention de Monsieur Jean Etienne.