Lorsqu’il délimite, à l’été 1871, la nouvelle frontière franco-allemande, le Lieutenant-Colonel Aimé Laussedat se heurte, au pied du Donon, à un problème épineux. En effet, lorsqu’ils ont tracé, sur des cartes à mauvaises échelles, le projet de frontière, les plénipotentiaires allemands ont fait coïncider la frontière, au pied du Donon, avec la lisière des forêts et non avec la limite orientale des territoires communaux de Raon-lès-Leau et Raon-sur-Plaine.
De ce fait, ces deux petits villages vont se retrouver littéralement amputés de leurs forêts. La chose est d’autant plus problématique que ces forêts font vivre, à l’époque, pas moins d’une vingtaine de scieries dans la haute Vallée de la Plaine ! Ajoutons à cela la question de la desserte des communes qui verront leurs habitants obligatoirement passer par le Reich pour se rendre vers les petites villes de Lorquin ou de Schirmeck, qui servaient alors de débouchés économiques et commerciaux.
Soucieux de maintenir ces communes dans le giron de la toute jeune République, Laussedat va se battre, comme un lion, pour que les habitants des deux Raon puissent rester français et ce, sans trop de dommages. Ce sera un peu peine perdue car les forêts des deux communes passeront bien à l’Allemagne. Et pour un bon bout de temps ! En 1918, quand l’Alsace-Lorraine redevient française, les forêts restent à la commune alsacienne de Grandfontaine ! Les conseils municipaux des deux Raon auront beau protester auprès de plusieurs présidents de la République, rien n’y fera : Raon-sur-Plaine et Raon-lès-Leau restent privées de leurs précieuses forêts.
Pour s’être battu pour ces deux communes perdues au cœur des Vosges, Laussedat recevra, quelques mois après la fin de sa mission de bornage de la frontière, une lettre du curé de Raon. Ce sera le seul remerciement qu’il recevra pour son engagement.