Konz, petite ville d’Allemagne située à la confluence de la Sarre et de la Moselle, à un jet de pierre de la puissante cité de Trèves mérite l’attention de l’historien de la Lorraine. C’est là en effet, de part et d’autre de la Sarre que s’est joué, le 11 août 1675, la dernière bataille du Duc Charles IV.
Un affrontement qui n’a rien eu de décisif dans la guerre, interminable que le Royaume de France livrait au Saint-Empire, mais un affrontement qu’un petit monument, perdu dans la forêt, au lieu-dit Granahöhe, continue de commémorer discrètement.
Nous sommes à l’été 1675. Turenne, le grand Turenne a été fauché par un boulet de canon à la Bataille de Salzbach. Les armées du Roi Soleil sont désorganisées. Dans le Palatinat, Louis XIV charge le Maréchal de Créquy de maintenir les intérêts de la couronne française en portant notamment secours aux troupes qui subissent, à Trèves, un siège éprouvant.
Car depuis près de deux ans, les Impériaux, avec les Lorrains en tête, font le blocus de cette importante ville. Charles de Lorraine, profitant de la moindre aubaine susceptible de planter une épine dans le talon du Roi de France, presse la ville de Trèves comme un vigneron presserait sa vendange. Il entend faire rendre gorge à tous les Français. Sans exception. Mais voilà qu’une rumeur prétend que le Maréchal de Créquy marche sur la ville avec 15 000 hommes et une douzaine de canons.
Charles IV n’attend pas. Il ordonne le repli de ses troupes, qui dégagent la ville par le Sud, franchissent la Sarre sur un gué connu du seul duc et opèrent, finalement, un grand mouvement qui va encercler les troupes de Créquy et les prendre à revers. La bataille a lieu le 11 août. C’est une victoire totale pour le camp des Impériaux, et pour le Duché de Lorraine.
Mais une victoire de courte durée. Quelques semaines plus tard, Charles IV, isolé dans les montagnes du Palatinat, commence à souffrir d’une forte fièvre. Il tousse abondamment. Il délire. Il finit par rendre son âme à Dieu. Il était âgé de 71 ans. En apprenant la mort de son duc, le jeune page qui battait le tambour dans toutes ses campagnes aurait crevé la peau de son instrument. Charles IV de Lorraine n’était plus … Et la France allait largement en profiter.
Après avoir fait raser la forteresse de La Mothe, après avoir fait démanteler les remparts de Nancy, détruits des dizaines de châteaux entre Meuse et Vosges, pendu des centaines de Lorrains, ruiné des villages entiers, le Royaume de France allait occuper une nouvelle fois les Duchés de Bar et de Lorraine, interdisant l’accès de ces territoires au jeune Charles V, successeur du vainqueur de Cons. Louis XIV ira jusqu’à interdire le retour de la dépouille de Charles IV en Lorraine. Le duc sera alors inhumé à Coblence. Son corps ne sera rapatrié que bien plus tard pour être inhumé à la Chartreuse de Bosserville, qu’il avait fondée.
On a dit beaucoup de choses au sujet de Charles IV. Piètre politique, mais brillant homme de guerre, volage et quelque peu menteur … Il est surtout resté fidèle à ses idéaux. A savoir fidèle à cette haine qu’il vouait à une France qui, n’en déplaise à certains, s’est bien rendue coupable, en Lorraine, au XVIIème siècle, de ce qu’il convient d’appeler un génocide.