A l’occasion des célébrations des 800 ans de la Cathédrale Saint-Etienne de Metz, il me semble que le travail de Jacques Villon, avec ses vitraux de la Chapelle du Saint-Sacrement, devrait bénéficier d’un meilleur traitement. Certes le livre Metz, la grâce d’une cathédrale en parle mais presque comme s’il s’agissait d’un fait anodin sans révéler la réelle importance et le caractère vraiment exceptionnel de son œuvre. De même, les quelques illustrations concernant ce travail ne sauraient rattraper un texte qui reste, il faut bien le reconnaître, très largement déficient.
En revanche, Chagall semble être relativement mieux traité dans cet ouvrage et de surcroît une exposition lui sera consacrée en 2020 au Centre Pompidou-Metz. J’en parle également dans mon livre à paraître sur les vitraux messins de ce peintre russe. Dans ces conditions, l’on peut craindre effectivement que Jacques Villon ne devienne le parent pauvre de cet événement jubilaire.
N’oublions pas que Jacques Villon n’a réalisé, en tant que peintre vitrailliste, que les vitraux de la cathédrale de Metz et point d’autres, à l’exception de deux baies pour deux petites églises à Bouchevilliers dans l’Eure et à Bièvres dans l’Essonne, au contraire d’un Chagall qui s’est produit dans beaucoup d’autres lieux, à l’image de Chapelle des Cordeliers à Sarrebourg, de Notre-Dame d’Assy, de la cathédrale de Reims, de la synagogue de Jérusalem ou encore des églises de Mayence et de Zurich. De même, il faut signaler que Jacques Villon, de son vrai nom Gaston Duchamp, est l’aîné d’une prestigieuse famille d’artistes, dont le frère cadet Marcel est devenu la figure de proue de l’art contemporain. Tous les deux ont joui d’une grande notoriété dans le monde de l’art. Toutefois, il est indéniable que Marcel reste le plus emblématique des deux. Deux frères qui entretenaient toujours de très bonnes relations malgré des parcours artistiques ultérieurs parfois fort différents.
Aussi, il n’est pas étonnant non plus en analysant l’œuvre de Jacques Villon réalisée à Metz, que certains amateurs d’art aient pu la considérer, à juste titre, comme la plus intéressante voire la plus exceptionnelle. Jusqu’à attribuer à cet artiste de Puteaux la première place, surpassant tous les autres peintres vitriers de la cathédrale de Metz, y compris Chagall. Cela semblerait bien mérité vu les nombreuses trouvailles dues à ce peintre adepte du nombre d’or. Cette vision pyramidale et triangulaire, que l’on retrouve en particulier dans la lance et la chaîne syntagmatique de la croix notamment, lui a permis de mettre le cubisme au service d’une dimension proprement théologique. On a effectivement l’impression, qu’il a transformé ses vitraux de Metz à la manière d’un hymne pascal. Comme une manière originale d’affronter le désenchantement du monde en proposant une œuvre proprement musicale. D’où, comme résultat, cette vision féerique mais aussi hallucinante d’une réalité profonde, transcendante et immanente à la fois « numineuse », selon les termes de Rudolf Otto, qui conduit à révéler des sortes de théophanies ou d’incarnations.
Dans mon livre sur Les Vitraux de Jacques Villon paru aux éditions des Paraiges en 2014, j’essaye de mieux faire connaître le travail exécuté par cet artiste. Hélas, Jacques Villon, n’est pas le seul artiste contemporain de la cathédrale touché par l’oubli. En effet, le livret du jubilé, qui est mis à disposition du public dans la cathédrale et qui fait état des repères historiques, a omis de mentionner la pose des vitraux de Roger Bissière en 1960. Un artiste qui fait pourtant partie de la nouvelle Ecole de Paris et qui a réalisé les premiers vitraux abstraits dans une cathédrale, celle de Metz. Or, il semble qu’il soit encore plus maltraité que Jacques Villon, puisque l’évocation de son travail se limite, par ailleurs, à quelques lignes seulement dans le livre Metz, la grâce d’une cathédrale.