Avec une trentaine de films et une cinquantaine de téléfilms et séries à son actif, le comédien lorrain de 51 ans, Francis Renaud a marqué les esprits dans le rôle de Jean-Marie Villemin. Il s’est forgé un sacré palmarès, surtout dans les seconds rôles. Invité d’honneur du dixième salon du livre de Boulay-Moselle, il présente La rage au cœur, une autobiographie coup de poing. Entre témoignage et confession, son livre choc est également un cri de révolte contre le monde du cinéma, un regard au vitriol sur l’envers du décor. Interview.
Né à Thionville, Francis Renaud y a vécu sept ans avant de partir à Luxeuil-les-Bains chez un beau-père violent. Il arrête l’école après un CAP de cuisinier puis débarque à Paris le jour de ses 18 ans pour devenir acteur, son rêve. Suivront huit ans de galère faits de petits boulots, de figuration et de cours de comédie en auditeur libre. En 1994, le film Pigalle lui apporte la consécration avec le Prix Michel Simon. Sa rencontre avec Olivier Marchal sera déterminante pour la suite de sa carrière. Depuis 1987, il prend des notes, et, dans La rage au cœur, un récit bouleversant et brûlant de 350 pages, l’acteur revient sur son enfance assassinée et dit tout de ses galères, de ses amours, de ses emmerdes, de ses excès passés.
BLE Lorraine : Votre venue à Boulay, une belle première ?
Francis Renaud : « Surtout comme invité d’honneur, cela me touche, c’est extraordinaire et un super-privilège. Et en plus revenir en Moselle. La Lorraine est ma terre et Thionville, mon sang. J’ai déjà fait de nombreux salons, où j’ai reçu un accueil chaleureux et bouleversant de la part de ceux qui ont lu mon livre ».
BLE Lorraine : Pourquoi avoir écrit une autobiographie à cinquante ans ?
FR : « J’avais beaucoup de choses à dire sur mon enfance, mon parcours, mes traumatismes et la difficulté de vivre. Surtout, pour tous ces enfants qui ont perdu un papa, comme moi à quatre ans ou des parents, on peut s’en sortir. Il était important de l’écrire, de faire un point pour mes cinquante ans. J’ai réalisé mon rêve de devenir acteur. Mais aussi, il est difficile de quitter son milieu ouvrier pour en rejoindre un autre qui a tendance à fermer ses portes quand vous n’êtes pas du sérail. »
« Tu ne vas pas te faire que des amis après la sortie de ce livre et les révélations que tu y fais » (Olivier Marchal)
BLE Lorraine : A sa sortie en septembre 2018, la promotion de votre livre a été plus que minimaliste.
FR : « Un seul éditeur, Hugo et Cie, a accepté de le publier. Malgré d’excellents retours, la promotion a été inexistante. Rien dans les grands médias type Libération ou Le Monde, rien chez Ruquier, Ardisson ou C à vous, seuls Jean-Marc Morandini sur CNews, Michel Drucker ou Valérie Benaïm sur C8 en ont parlé. C’était l’omerta, mais le bouche à oreilles a fonctionné : 2 500 exemplaires vendus. A 90 cents sur 18,50 euros l’exemplaire, je ne suis pas près de vivre de ma plume. »
BLE Lorraine : Etre boycotté par France Télévisions, comment est-ce possible ?
FR : « Avant les trois jours de tournage à Bitche de Meurtres en Lorraine, il ne s’est rien passé pendant près de trois ans. J’ai eu des soucis avec la directrice de la fiction, une personne qui reste pour moi sans foi, ni morale et qui me sort de tous les projets car toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Je le prends comme de la discrimination. Résultat, je suis au RSA et je dois vendre ma maison. France TV est une très belle maison, où convoitises et magouilles dominent cela dit selon moi. Il faudrait faire le ménage. »
BLE Lorraine : Ce n’est pas mieux dans le monde du cinéma ?
FR : « Je n’ai pas attendu l’affaire Weinstein pour dénoncer les abus de pouvoir, le harcèlement sexuel et la perversité du monde du cinéma, ses jalousies, ses coups bas, ses magouilles. Tout le monde le sait mais tout le monde se tait. Le droit de cuissage existe, les gens de province sont des proies faciles. J’ai refusé et j’ai été grillé pendant huit ans. Je ne cherche pas à balancer, ce n’est pas de la délation, c’est odieux ce qui se passe. »
Un témoignage authentique en toute franchise
BLE Lorraine : Où en est votre projet de film, Les Effarés ?
FR : « En 1999, j’ai réalisé un premier film pour Arte, Marie, Nonna, la vierge et moi, tourné dans la Vallée de la Fensch, qui a fait une très belle audience. Cela a gêné beaucoup de gens. Si vous avez un peu de talent, on essaie de vous dégager. Depuis, je n’ai pas pu en réaliser d’autres. On vous met des bâtons dans les roues. Huit ans que je me bats pour faire ce film sur la vie de Verlaine et de Rimbaud. J’ai une belle distribution avec Béatrice Dalle, Guillaume Gouix et Joé Starr, mais pas de producteur. J’ai donc ouvert une cagnotte pour le financer. Tout comme j’en ai ouvert une autre pour un spectacle Seul en scène sur ma jeunesse. »
BLE Lorraine : Vous payez encore au prix fort votre liberté de parole. Mais l’horizon s’éclaircit-il ?
FR : « On a voulu m’intimider, on m’a même menacé de mort. Ce métier m’a coupé les vivres alors que jouer est un besoin vital. J’étais au fond du trou, heureusement, ça repart. Depuis fin mai, je tourne un téléfilm pour TF1, Le premier oublié de Christophe Lamotte. Et, en août, Bronx, mon cinquième film avec Olivier Marchal, mon « grand frère » qui a signé la préface de mon livre. J’ai la rage mais je suis optimiste. »