Plus ancienne association thionvilloise, l’Orchestre Philharmonique de Thionville célèbre son 150ème anniversaire ce samedi 19 mai par un concert exceptionnel au Théâtre Municipal de Thionville à 20 heures. Sous la baguette d’Alain Felly, l’orchestre proposera aux mélomanes un voyage musical extraordinaire de 1868 avec Rossini jusqu’à nos jours avec La La Land, en passant par les époques enchantées de West Side Story et de James Bond. Rencontre avec Michael Grin, Président de la Société Philharmonique de Thionville, association en charge du fonctionnement de l’orchestre.
BLE Lorraine : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ? Depuis quand êtes-vous à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Thionville ?
Michael Grin : « J’ai 44 ans, je suis né à Forbach et habite Thionville depuis plus de quinze ans. J’ai un doctorat de physique et je travaille comme ingénieur de projets. J’ai commencé le violon à l’âge de 26 ans, même si je suis pianiste amateur depuis l’âge de quinze ans. Je fréquente l’orchestre depuis maintenant une quinzaine d’années. J’en suis devenu le président en 2011. »
Michael Grin, Président de la Société Philharmonique de Thionville (Crédits photo : Laurent Tschiersch)
BLE Lorraine : 150 ans, c’est un bel âge ! Pouvez-vous nous dire comment cette aventure a commencé et quelles en ont été les grandes étapes ?
MG : « A vrai dire, il y avait à Thionville une société musicale, « la Sainte Cécile », qui regroupait une harmonie, un orchestre et une chorale, et dont l’existence remonte bien avant la révolution française. Cette chorale s’est essoufflée, et en 1868, un jeune sous-chef de la musique de garnison, M. Mélisse, entreprend de la réorganiser. Il crée alors la « Société Philharmonique ». Jusqu’en 1870, l’orchestre acquiert une belle renommée et se produit jusqu’en Belgique et au Luxembourg. En 1870, la guerre éclate et l’orchestre perd tout son matériel. En 1875, un jeune compositeur le fait renaître. Jusqu’en 1914, l’orchestre s’associe alors à toutes les manifestations de la ville. En 1918, c’est dans la clandestinité que l’Orchestre Philharmonique de Thionville prépare la Marseillaise pour l’entrée des troupes françaises dans Thionville. En 1920, il accueille le Président Poincaré et la Grande Duchesse Charlotte de Luxembourg pour la remise de la Légion d’Honneur à la Ville. Entre les deux guerres, la philharmonie prospère. En 1939, la guerre éclate à nouveau et l’orchestre est une nouvelle fois réduit au silence jusqu’en 1946. Quelques mois avant la visite de Churchill à Thionville, le Maire René Schwartz souhaite faire renaitre la philharmonie. Celle-ci renaît officiellement et pour la troisième fois en 1950. En 1967, 250 musiciens, chanteurs et danseurs offrent un concert exceptionnel au théâtre pour célébrer le prochain centenaire de la vieille dame de la musique thionvilloise. A nouveau, entre 1960 et 1980, l’orchestre rempli les salles. Il invite des solistes et des chanteurs d’exceptions à se produire avec lui. Cette prospérité perdure encore jusque dans les années 2000. A partir de là, l’orchestre s’affaiblit peu à peu, fautes de moyens. Les budgets sont réduits de manière drastique. En 2012, la création par la municipalité d’un autre orchestre, le Symphonique de Thionville, pour remplacer l’Harmonie Municipale, semble sonner le glas de la philharmonie. Elle se retrouve alors avec une subvention de 3 000 euros par an qui lui permet à peine de survivre, alors que toutes les subventions en la matière vont à l’orchestre nouvellement créé. Mais un petit groupe d’irréductibles y croit toujours et n’a de cesse encore aujourd’hui de maintenir, envers et contre tous, la tête de l’orchestre hors de l’eau. Grace à eux, la philharmonie fêtera le 19 mai prochain ses 150 ans au Théâtre Municipal de Thionville, à 20 heures, sous la direction d’Alain Felly. »
BLE Lorraine : Quelle place occupe l’orchestre dans la vie de la ville ? Ses missions ont-elles évolué depuis sa création ?
MG : « L’Orchestre Philharmonique n’est plus le représentant officiel de la Ville de Thionville, bien qu’il porte son nom dans tous les concerts qu’il donne, comme l’an passé à l’Arsenal de Metz, au Festival International de Wiltz au Luxembourg ou encore devant l’assemblée parlementaire de la Francophonie qui se réunissait alors au Grand-Duché. Malgré tout, il joue à nouveau le traditionnel concert du Nouvel An au théâtre municipal depuis quelques années et les relations avec la municipalité thionvilloise se renouent doucement, notamment avec le Maire Pierre Cuny, qui commence à redécouvrir la Philharmonie. »
BLE Lorraine : Quelles sont les personnes qui animent aujourd’hui l’orchestre ?
MG : « Il s’agit principalement du comité et de quelques personnes extérieures qui organisent la vie de la Philharmonie. Mais il y a bien évidemment tous les musiciens bénévoles qui composent la Société Philharmonique, association chargée de faire fonctionner l’orchestre, et qui sont 45 titulaires actuellement. Lors des concerts, nous nous produisons en général à 60, voire à 65 musiciens. Nos effectifs sont ainsi complétés par des fidèles, dont la musique est en générale l’occupation principale (professeurs, musiciens professionnels, etc.). Pour le concert anniversaire des 150 ans, nous serons exceptionnellement 85 musiciens. »
BLE Lorraine : Quelles sont les défis et les contraintes auxquels doit faire face l’orchestre en ce XXIème siècle ?
MG : « C’est réussir à former un groupe de personnes qui vont travailler ensemble, comme pour une entreprise, afin d’organiser, préparer, communiquer, recruter, trouver des fonds … tout cela étant à caser dans un agenda personnel déjà très bien rempli. Je rappelle que nous sommes tous des bénévoles avec une activité professionnelle autre que celle de musicien (fleuriste, professeurs, coiffeur, médecin, chef d’entreprise, etc.). Il y aussi les contraintes relatives à l’évolution de notre public. Nos aïeux allaient aux concerts de musique classique, aujourd’hui c’est plus compliqué. Il faut trouver le bon programme et c’est d’ailleurs ce à quoi nous avons été très attentifs pour la préparation du concert des 150 ans. Pour attirer un nouveau public Il faut se tourner vers des morceaux plus récents, mais les partitions coûtent chères. »
BLE Lorraine : Quel programme avez-vous justement concocté pour le concert anniversaire exceptionnel du 19 mai ?
MG : « L’Orchestre Philharmonique fêtant ses 150 ans, j’ai souhaité que l’on réfléchisse à un programme qui retracerait les « hits » de la vie musicale durant ces 150 dernières années. Nous avons donc travaillé sur cette idée avec le comité et le programme sera le suivant :
1868 – L’Italienne à Alger de G. Rossini
1874 – Tableaux d’une exposition, La Grande Porte de Kiev de M. Moussorgski
1880 – Dans les Steppes de l’Asie Centrale d’A. Borodine
1899 – Variations Enigma d’Edward Elgar
1910 – La Pavane pour une infante défunte de M. Ravel
1939 – Medley in the Mood de Glenn Miller
1945 – La Liste de Schindler de John Williams
1956 – Les Comédies Musicales My Fair Lady de Frederick Loewe
1957 – West Side Story de L. Bernstein
1962 – Medley de James Bond – Agent 007
1982 – Medley de John Williams (Indiana Jones, E.T, etc.)
1994 – Danzón No 2 d’Arturo Márquez
2016 – La La Land de Justin Hurwitz. »
BLE Lorraine : Avez-vous prévu d’autres évènements cette année ?
MG : « Il y a aura un concert le 30 septembre à Thionville avec un soliste au piano qui s’articulera autour de Grieg et de Sibelius. Ce concert sera dirigé par notre nouveau chef d’orchestre qui prendra ses fonctions à ce moment-là, à savoir Willy Fontanel. Je me permets d’ajouter, pour faire écho à ce que je disais précédemment, que ce concert sera réalisé sur nos fonds propres, d’où l’obligation pour nous de remplir le théâtre le 19 mai prochain sous peine de devoir l’annuler. Il y aura également, au mois de décembre, un concert de Noël, mais le programme est une surprise et est encore secret ! »
La Philharmonie La Lorraine de Hayange a dernièrement célébré ses 150 ans par un concert à l’Arsenal de Metz devant plus d’un millier de mélomanes. Créée par des musiciens sidérurgistes, elle regroupe une harmonie et une batterie fanfare. Elle a failli disparaître dans les années 1970 après le départ de la famille De Wendel qui avait simplement laissé les partitions et le matériel musical en guise de dons. L’école de musique de la commune conserve encore de cette époque des feuilles de musique uniques, qui ne sont plus éditées aujourd’hui. La Philharmonie La Lorraine comprend actuellement 70 musiciens et est propriétaires de 120 instruments.