Michel Baudoin est radioamateur : F5LBD est son nom de code sur le réseau qui, sous des dehors un peu vieillots, est loin d’être dépassé. Pour cet octogénaire, bon pied, bon œil, le morse n’a plus de secret : il s’agit d’une certaine idée de la transmission.
Tout a commencé voici bientôt 70 ans. 1948, Michel Baudoin s’engage dans l’armée. Et c’est dans les transmissions qu’il a trouvé sa voie. Après 18 ans en qualité de transmetteur militaire, il quitte l’armée mais poursuit son activité en tant que civil à la caserne de Boulay. C’était l’époque des « grandes oreilles », cette traque du moindre renseignement provenant d’au-delà du rideau de fer. Fort de sa parfaite connaissance du morse et d’une expérience de 30 ans, Michel obtient, en 1982, sa licence de radioamateur. 1986, la retraite venue, il donne des cours de radiotélégraphie (CW pour les initiés) sur les ondes courtes tous les lundis soirs. Ses cours de lecture au son du morse se poursuivent jusqu’en 2006, date à laquelle le morse qui n’est plus obligatoire depuis 2002, a dû céder sa place aux techniques modernes de communication.
6 400 cartes QSL
L’alphabet morse, inventé en 1838, par Samuel Morse, un scientifique américain, est un code permettant de transmettre un texte à l’aide d’une série d’impulsions courtes et longues, qu’elles soient produites par des signes, une lumière, un son ou un geste. Principalement utilisé par les militaires comme moyen de transmission, ce code est abandonné en 2000 et les radioamateurs en deviennent les gardiens. Depuis 30 ans, Michel Baudoin navigue sur les ondes courtes et, comme tout radioamateur qui se respecte, utilise dans ses échanges les cartes QSL. Selon le code Q utilisé en télégraphie, « QSL » signifie « J’accuse réception de … » : c’est une carte réponse ou d’accusé réception au format carte postale que s’échangent les radioamateurs. Suite à ses contacts radio, Michel en a reçu 6 400 qui remplissent seize albums, représentant vingt ans de communication avec tous les pays du monde. Parmi elles, une rareté : la carte QSL de la station orbitale MIR datant des 26 et 27 août 1999. Chaque carte reprend l’indicatif de la station émettrice, F5LBD pour Michel et de la station réceptrice, ainsi que le QTH, latitude et longitude, le QSO, date, heure et fréquence. « Faute de voyager dans le réel, je le faisais en imagination. Contacter quelqu’un en Nouvelle-Zélande me faisait rêver. Toutes ces cartes sont illustrées, évocatrices de paysages, de personnes, de cultures et de vies. Même si on ne se voit jamais, on correspond. J’étais un fan de cartes QSL. Elles ont été remplacées par des e-QSL, via internet. Pour moi, c’est zéro », confesse-t-il.
« Le morse, c’est facile »
Même si, aujourd’hui, il trafique moins, Michel continue de donner des cours de morse via internet. « Je ne suis pas un surdoué du morse : je fais 30 mots/minute. Certains en font du 60. Mes cours, ce n’est peut-être pas l’idéal mais le morse est facile à apprendre. Bien sûr, c’est un code dépassé, mais la vidéo qui s’intitule, « Le morse, c’est facile », a été vue près de 3 200 fois. La grande inconnue est de savoir si les gens se sont mis à l’apprendre car j’ai très peu de retour », ajoute F5LBD. Toujours utilisé aujourd’hui en Russie, le code morse a été supprimé du concours de radioamateur.
Deux livres de souvenirs
Certains écrivent leurs mémoires, afin de graver les moments forts de leur vie dans un livre. Michel a choisi d’éditer ses souvenirs en rendant hommage à deux amis, passionnés de morse et de radiotélégraphie. Souvenirs et hommages à mon ami Edouard Pajot, publié en mars 2007, rend hommage en 300 pages à un fidèle écouteur et défenseur du morse par la publication de ses cartes QSL et ses compte-rendu de cours CW du lundi. Quant au second ouvrage, publié en 2012, Radio clandestin pendant la Deuxième Guerre mondiale, il est consacré à Armand Bouvier, indicatif F5TDJ, ancien radio clandestin que Michel a connu sur les ondes et qui l’encourageait à la fin de ses cours. C’est cette longue amitié via les ondes courtes qu’il a voulu retracer avec force documents. Ces deux publications sont réservées à ses amis et consultables à la bibliothèque communautaire de Boulay. « Je ne veux pas les vendre, c’est pour le plaisir », conclut-il.