Coordinateur régional du Groupe Cigognes France, Dominique Klein est le seul en Lorraine à être habilité à baguer les cigognes. Rencontre avec ce passionné de ce grand échassier symbole de notre région.
BLE Lorraine : D’où vient votre surnom de « Monsieur Cigogne Lorraine » ?
Dominique Klein : « C’est tout simple, ce sont les Lorrains qui m’ont baptisé ainsi. A force de me voir sur le terrain et de venir discuter « cigogne » avec le Monsieur avec une longue-vue, un appareil photo et un petit chien sans savoir son nom, le Monsieur des cigognes est devenu Monsieur Cigogne. Mais maintenant, j’ai édité des cartes de visites que je distribue à tous ceux qui s’intéressent à cet échassier fédérateur, avec un numéro de téléphone, une adresse postale, une adresse mail et un lien Facebook. En fait, je sors maintenant de l’anonymat ! La région est grande et je ne passe pas tous les jours, alors pour les renseignements sur la vie des cigognes c’est bien plus facile et rapide. »
BLE Lorraine : Pourquoi avez-vous demandé l’autorisation de baguer les cigognes ? En quoi cette opération est-elle importante ?
DK : « J’ai toujours été passionné par la faune et la flore qui sont très riches en Lorraine, et plus particulièrement par les oiseaux. Depuis une dizaine d’années, ce sont les cigognes, ces formidables migratrices, qui m’ont amené à me poser plein de questions sur leur vie et leur voyage. Tout d’abord s’agissant d’une cigogne baguée, on relève le numéro de la bague, on fait des recherches sur ses origines et ses déplacements et on a le pied à l’étrier. Pour passer la vitesse supérieure, mes amis de l’APRECIAL (Association pour la PRotection de la faune sauvage Et de la CIgogne en Alsace et en Lorraine) m’ont inscrit à l’examen de bagueur dispensé par le CRBPO (Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux) dépendant du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris et du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique). L’examen en poche, je commence le baguage en 2016. On ne bague que les cigogneaux au nid. La cigogne étant une espèce protégée, il faut une autorisation spéciale pour les capturer et bien sur les baguer. En Lorraine, nous avons plusieurs nationalités qui vivent ensemble et qui s’accouplent : suisse, allemande, belge, néerlandaise, espagnole, suédoise et bien sûr française. L’Europe se fait aussi avec les cigognes !
L’arrêt du baguage pendant des années n’a fait qu’augmenter le nombre de cigognes non baguées, estimé à 60 %. Mais l’analyse des origines, des couples, fidèles ou pas, et des flux migratoires est passionnant pour comprendre les différents changements de ces dernières années. »
BLE Lorraine : Où se trouvent les principaux foyers de cigognes en Lorraine ?
DK : « C’est en Moselle que l’on trouve le plus important contingent de cigognes avec 255 couples. Les principaux foyers se trouvent dans les Pays de Sarrebourg et du Saulnois et autour de l’Etang du Bischwald près de Grostenquin. Une nouvelle colonie vient par ailleurs de s’installer à Garche, près de Diddenuewen (Thionville). 65 couples sont recensés en Meurthe-et-Moselle, avec comme point central Saint-Nicolas-de-Port et son enclos à cigognes. La Meuse compte quant à elle 30 couples avec un foyer à Damvillers. Les Vosges ferment la marche avec un couple. Si bien qu’au total, 351 couples de cigognes étaient comptabilisés au 31 décembre 2016 en Lorraine. On devrait passer à 400 couples en 2017. »
BLE Lorraine : La cigogne est-telle encore en danger dans notre région ?
DK : « Je vais répondre par une réponse de Normand. La cigogne se porte actuellement bien mais l’intensification des méthodes culturales avec le tout céréale, le drainage des terres humides et les pesticides font considérablement diminuer la nourriture primordiale à l’élevage des cigogneaux. Peu de nourriture signifie peu de cigogneaux sachant qu’un seul jeune sur trois arrive à l’âge adulte.
Les implantations se font toujours en fonction de l’alimentation disponible et nécessaire à la reproduction et à l’élevage des petits. Si elles ne peuvent se reproduire, elles vont partir ailleurs dans des régions moins « polluées » par l’agriculture intensive et surtout au sol riche et humide favorable aux vers et aux insectes. Gageons que l’agriculture biologique avec le respect de la faune et de la flore prenne de plus en plus d’essor pour le bien être des hommes et des animaux. »