Bons mangeurs et bons buveurs de tradition, les Lorrains ont aussi la réputation d’avoir la « gueule sucrée ». C’est-à-dire qu’il ne leur viendrait jamais l’idée saugrenue de clôturer un gueuleton sans un petit dessert !
Pourtant, chez nous, la « tarte française », qu’elle soit aux myrtilles, aux quetsches, ou aux mirabelles, ne se dit pas la « tarte » mais la « quiche » ou la « galette ». Excepté chez ces durs-à-cuire de Meusiens qui perpétuent la coutume d’une sorte de tarte recouverte d’une épaisse bouillie opportunément dénommée « tarte à la bolie ».
Les beignets, eux, se disent les « bugnes » s’ils sont levés, mais s’ils sont plats, on les nomme des « beignets secs ». Ils sont en tout cas toujours meilleurs truffés de petits zestes d’orange ou de citron.
Les « îles flottantes », qu’on nous sert à prix d’or dans toutes les gargotes hexagonales en panne d’imagination, s’appellent chez nous des « œufs à la neige », ce qui est tout de même plus conforme à la réalité que cette curieuse « île flottante » en forme d’iceberg flottant sur les eaux jaunâtres de ce qui ne saurait être que le célèbre Lac Titicaca. Le « fromage blanc » devient dans les Vosges, où les gamins ont toujours adoré jouer aux billes, la « chique », et en Moselle, où l’on raffole des inversions, le « blanc fromage ».
C’est aussi en Moselle que se déguste le « Strudel », du nom du chausson aux pommes allemand. Servez-le chaud avec force cannelle et un beau mamelon de chantilly ou de crème anglaise. C’est là, enfin, que les pâtissiers proposent toujours le « Schneck », ou escargot en Lothringer Platt, du fait de sa similitude avec la forme du gastéropode cornu, que l’on trouve précisément dans l’Est sous le nom d’« escargot » et à Paris sous l’appellation de « pain aux raisins ». Si je vous disais ce que désigne aussi la « Schneck » en Moselle, à moins d’être le fieffé coquin que vous êtes, vous n’en croiriez pas vos oreilles ! Contentez-vous donc de savoir que, contrairement à l’usage que vous en faites, normalement, elle ne se mange pas !