Suite à la publication de notre tribune sur la démolition des fortifications de la Ville Neuve de Nancy, André Vaxelaire, Professeur émérite de l’Ecole d’Architecture de Nancy, et Jacques Boulay, représentant régional de la SPPEF (Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France), souhaitent apporter des compléments d’information. Nous relayons leur message :
La Ville de Nancy et la Métropole du Grand Nancy s’apprêtent à détruire définitivement des vestiges importants de la fortification de la ville de Charles III situés à proximité du Lycée Cyfflé et mis à jour récemment par les archéologues de l’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives), pour laisser place à des programmes immobiliers développés dans le cadre du projet d’aménagement Nancy Grand Cœur. Toute personne, même non spécialiste, peut rapidement comprendre que ces vestiges sont les seuls de l’enceinte fortifiée de la ville de Charles III qui pourraient être mis en valeur. En effet, partout ailleurs, les traces concrètes de la fortification sont désormais enfouies sous des bâtiments et des quartiers. De plus, si l’on ambitionne de relier ces vestiges avec le Parc de la Congrégation des sœurs Saint-Charles installé quant à lui dans les fossés partiellement comblés de la fortification, et alors que les bâtiments ont été placés plus en hauteur au niveau de la courtine et du Bastion de Saint-Thiébaut après arasement, c’est un front important et significatif de l’ancienne enceinte fortifiée qui pourrait être révélé sous la forme d’un « Parc des fortifications de la ville de Charles III ». La réponse à apporter face à ces vestiges doit être à la hauteur de cette occasion véritablement historique et qui ne se représentera plus. Il ne s’agit ici ni de prélever quelques fragments pour les installer dans un musée ou dans un parc hors de leur contexte originel, ni d’en intégrer une partie plus ou moins visible dans les programmes immobiliers prévu sur ce site, mais bien de se donner pour ambition de restituer partiellement l’impact volumétrique et topographique ou encore le sentiment de puissance que pouvait inspirer la fortification, louée à l’époque comme l’une des plus « modernes » à l’échelle européenne.
La Ville de Nancy et la Métropole du Grand Nancy doivent se fixer une telle ambition pour la « ville centre ». Ce parc permettrait de valoriser les vestiges mis à jour par les archéologues, et sans prétention de « reconstitution à l’identique », qui n’aurait aucun sens sur le plan intellectuel en dehors des coûts induits, mais sans doute en relevant les murs couchés par le minage opéré à la fin du XVIIème siècle par les Français. Une partie des travaux d’exploration des vestiges encore enfouis ou de mise en valeur pourrait faire appel au bénévolat avec l’association Rempart et mobiliser les apprentis des centres de formation et des lycées professionnels du Grand Nancy. Avec la mise en place d’un parcours didactique, ce Parc des fortifications pourrait être d’un grand intérêt pour les scolaires et constituer un but de visite pour les touristes dans un itinéraire menant de la Place Charles III au quartier de Saurupt. Ce parc constituerait également un lieu d’agrément, très au calme par son décaissé, pour les habitants du quartier existant et futur. Il pourrait aussi contribuer à la biodiversité urbaine pour laquelle le Grand Nancy reste encore à la traîne et même stocker de façon très naturelle les eaux de pluie en cas d’épisode météorologique exceptionnel.
D’autre part, et sans oublier que ce lieu a été occupé par la prison Charles III qui a été construite pour partie sur les structures du Bastion de Saurupt (vestiges mis à jour), ce parc pourrait accueillir un lieu dédié à la mémoire des événements tragiques et parfois héroïques qui se sont déroulés dans ses murs et dans le quartier environnant sous la France de Vichy. L’engagement pris par la Ville notamment auprès de la communauté juive de reconstruire le portail de la prison dans le quartier Nancy Grand Cœur au milieu de nulle part pourrait trouver une réponse plus digne. Le portail pourrait être ainsi reconstruit à proximité de sa position d’origine et une partie du parc immédiatement proche pourrait donner lieu à la création d’un espace mémoriel. Nous considérons que la création d’un nouveau quartier ne peut pas se faire sous le principe totalement abscons de la « table rase » caractéristique des Trente Glorieuses ou des pratiques observables dans les grandes métropoles des pays émergents, qui d’ailleurs stoppent aujourd’hui ce mépris du passé. Particulièrement en Europe et en France, les villes doivent fonder l’aménagement de leur avenir en respectant leur histoire et la mémoire des lieux. On ne crée pas un nouveau quartier porteur de sens en alignant des opérations immobilières et en tournant le dos à cette exigence. La création de ce parc ne s’oppose pas à l’investissement économique nécessaire dans ce quartier. Les surfaces constructibles « perdues » dans le secteur particulier de l’ancienne prison Charles III peuvent être facilement retrouvées en différents points du vaste projet Nancy Grand Cœur. Quant aux coûts de la valorisation des vestiges des fortifications, nous avons des idées qui peuvent permettre de financer cet aménagement urbain et paysager.
Alors que la Ville de Nancy a célébré la période de la Renaissance puis la création de la ville de Charles III par une exposition en 2013 qui a connu un très grand succès populaire, attestant ainsi de l’intérêt des (Grands) Nancéiens pour l’histoire de leur ville, il serait INADMISSIBLE de détruire systématiquement les vestiges du passé et ici le témoin unique d’une période clé de l’histoire de la ville chaque fois que les archéologues les révèlent, comme ce fut par exemple le cas lors de la création du parking République. C’est pourquoi nous cherchons à regrouper et à fédérer toutes celles et tous ceux, y compris les associations, qui pourraient soutenir une telle vision en demandant aux représentants de la Ville de Nancy et de la Métropole du Grand Nancy :
- le déplacement, dans un autre secteur du quartier Nancy Grand Cœur, des projets immobiliers prévus sur le terrain où se trouvent les vestiges et l’espace qui les séparent du Parc de la Congrégation des sœurs Saint-Charles
- la création d’un « Parc des fortifications de la ville de Charles III » qui engloberait à termes le Parc de la congrégation des sœurs Saint-Charles
- la reconstruction promise du portail de la prison Charles III à proximité de son lieu d’implantation d’origine et la création d’un espace mémoriel qui pourrait être créé à proximité à l’intérieur du parc.
De nombreuses personnalités importantes sur le plan local et certaines de renommée nationale, ainsi que plusieurs associations soutiennent directement ou accordent une attention bienveillante à ces propositions.
Jacques BOULAY, représentant régional de la SPPEF et André VAXELAIRE, Professeur émérite de l’Ecole d’Architecture de Nancy.
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