Echotons-nous n’avé, mémé nous récontrè les Fâilles de Féyé. Rin que d’ouâr Fousse éco R’néboû, on chonge aux Fâilles.
– Ç’ost iécque de moult vîe, mes effants et qu’on o pâle mi é s’n âge, mâs v’étès félis, et pus i fât si touffe que faut bin s’erposè in pou. J’kemoce :
« V’voyèz bin les grous p’tiex-lè qu’sont couèchis d’zous les treuches d’épouèche, ç’étôt toulè qu’on otrôt chie les Failles. Loue mâjon étôt tout pâitiout bin au fond. Y n’évôt tout pien d’chambes ouéru qu’ç’étôt pus bé, qu’è l’moteye è lè mosse de méneuil.
On y voyôt toujou pus tiè qu’pâchi d’chus târe o piein meildi, tant qu’y n’évôt des étôles de tourtous les couleurs qu’étaint étéchi o l’âr. Et pus tout pâtiout, les mureilles c’étôt des mureuils que reluint, que reluint, qu’on n’poyôt-me les rouâti et qu’on n’voyôt-me eul bout.
L’viquaint d’l’âr don tops éco d’iécque auto chouse que je n’sais pus. L’pessaint lou vie è chantè, é joué, et pus quand i fiôt bé, l’sautaint fû lè neuil pâ les p’tieux d’Fousse. L’étaint si logères que l’ne touchaint-me târe et qu’on voyôt tiè au tréva d’zoves. L’évaint des b’sognes auss’fines que des érantôles. L’vot d’loue bouche sotôt moyou qu’tourtous les bouquets des mouès. Tourtout Féyé on étôt ropiéni qu’çè v’nôt n’depe Landaville quand c’étôt l’vot. L’chantaint des p’tit’ effares que çè fiôt v’ni l’eauve é lé bouche, et pus l’feuillaint des rondes, et pus l’se couèchaint, et pus l’riaint. Mâs n’forôt-me que les effants les oyeinss’, autremot l’se cougint. Pou les pâchonnes raisounâb’ l’les lâyint épreuchi n’depe l’haut d’Deil-çot.
Mâs y n’évôt l’Soutré que l’n’aimînt-me paceque l’étôt toujou èprès zoves, j’n’sais pouquè. I v’nôt pâ lè route de Janô. L’étôzo fât è pou prês courre in diab’, l’évôt des coûnes, eune grand’quoue, des pottes que marquaint dos l’pousso coume cêlles d’in boucâ. L’étôt si ouètte qu’i chêuillôt tourtout ç’qu’i touchôt.
Quand l’écot d’chus Timouétâme vouéru qu’on podôt dos l’tops pessè, i s’olouvôt dos l’ar o toûnant èvou l’pousso éco les jévelles pou qu’i pouéieusse ouar si les Fàilles étaint dos Féyé. Quand l’les y voyôt, l’y courôt o heulant évou tourtous les manres nâpions don Sèbêt qu’couraint èprès lu o montant Russapont, qu’çè fiôt in brouiâd qu’on n’y voyôt goutte. Auss’tout qu’les Fâilles oyaint lé manigance-lè, l’devinaint ç’que ç’étôt, l’se sauvaint coume des poûrottes d’ougés d’vant l’chesserot, et pus l’rotraint o trobiant dos loue mâjon qu’eules’ froumaint bin les euches, et pus l’lâyint loues voiles d’érantôle chus l’rùpt d’Fouss’ pou que l’Soutré n’voyeusse mi vouéru que l’se couéchaint.
Les Faîlles aimaint bin les geos d’Landaville. Quand eun’véche ou bin eun’ nouvelotte étôt pouèdiue l’lè rétnouènaint le neuil d’vant lè mâjon d’loue mâte.
Dos l’tops d’lè Couéroûme, quand les geos fiaint lè crouâille et qu’i choyint dos lè rouille, l’venaint louzi époutiè d’lè tâtie; dos lè mouéchon, c’étôt des blousses. »
– Ouessi l’chin bianc, effants! peurnons noûes fauceuils, paceque les Fâilles eun’ feuillont rin pou les truands.
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Les Fées de Féyelle et le Sotré
Asseyons-nous un moment, grand-mère nous racontera les Fées de Féyelle. Rien que de voir Fousse et Renombois, on songe aux Fées.
– C’est quelque chose de bien vieux, mes enfants, et dont on ne parle pas à son aise, mais vous êtes fatigués, et puis il fait si chaud qu’il faut bien se reposer un peu. Je commence :
« Vous voyez bien ces gros trous qui sont cachés sous les souches d’aubépine ? C’était là qu’on entrait chez les Fées. Leur maison était tout partout bien au fond. Il y avait beaucoup de chambres, où c’était plus beau qu’à l’église, à la messe de minuit.
On y voyait toujours plus clair que par ici sur terre en plein midi, tant il y avait d’étoiles de toutes les couleurs qui étaient attachées en l’air. Et puis tout partout les murailles c’était des miroirs qui reluisaient, qui reluisaient, qu’on ne pouvait les regarder et qu’on n’en voyait pas le bout.
Elles vivaient de l’air du temps et d’autre chose que je ne sais plus. Elles passaient leur vie à chanter, à badiner, à jouer. Quand il faisait beau, elles sortaient la nuit par les trous de Fosse. Elles étaient si légères qu’elles ne touchaient pas terre et qu’on voyait clair au travers d’elles. Elles avaient des vêtements aussi fins que des toiles d’araignée. Le souffle de leur bouche sentait meilleur que toutes les fleurs des jardins. Tout Féyelle en était rempli que cela venait jusqu’à Landaville, quand c’était le vent. Elles chantaient des petites affaires que cela faisait venir l’eau à la bouche, et puis elles faisaient des rondes. Elles se cachaient et elles riaient. Mais il ne fallait pas que les enfants les entendissent, autrement elles se tenaient coites. Pour les personnes raisonnables, elles les laissaient approcher jusqu’au haut de Dix-cents.
Mais il y avait le Sotré qu’elles n’aimaient pas parce qu’il était toujours après elles, je ne sais pas pourquoi. Il venait par la route d’Aulnois. Il était fait à peu près comme un diable, il avait des cornes, une grande queue et des pattes qui marquaient dans la poussière comme celles d’un bouc. Il était si sale qu’il souillait tout ce qu’il touchait.
Quand il était sur Timoitâme, où l’on pendait dans le temps passé, il s’élevait dans l’air en tournant avec la poussière et les javelles pour qu’il pût voir si les Fées étaient dans Féyelle. Quand il les voyait il y courait en hurlant avec tous les mauvais nains du sabbat qui couraient après lui en montant Russapont, que cela faisait un brouillard qu’on n’y voyait goutte. Aussitôt que les Fées entendaient cette manigance, elles devinaient ce que c’était, elles se sauvaient comme des petits d’oiseaux devant le chasserot, et puis elles rentraient en tremblant dans leur maison dont elles fermaient bien les portes. Elles laissaient leurs voiles de toile d’araignée sur le ruisseau de Fosse pour que le Sotré ne vît pas où elles se cachaient.
Les Fées aimaient bien les gens de Landaville. Quand une vache ou bien une jeune brebis était perdue, elles la ramenaient la nuit devant la maison de leur maître.
Dans le temps du Carême, quand les gens faisaient la corvée et qu’ils tombaient dans la roie, elles venaient leur apporter de la tarte. Pendant la moisson c’était des prunes. »
– Voici le chien blanc, enfants ! Prenons nos faucilles, parce que les Fées ne font rien pour les paresseux.
Traduction du Vosgien de Landaville, dans les basses Vosges occidentales.