La ville nouvelle de Bataville a été créée en 1931 à Moussey, dans le Pays de Sarrebourg, où il n’existait alors aucune culture industrielle et syndicale.
Complètement tournée vers son usine, cette cité ouvrière unique est née de l’utopie avant-gardiste de Tomas Bata, cordonnier tchèque arrivé en Lorraine avant la guerre. Celui-ci avait en effet imaginé un monde parfait et harmonieux dans lequel serait coordonné le site de production avec tous les équipements nécessaires à l’épanouissement des ouvriers, à savoir logements, écoles, églises, magasins, centres d’apprentissage, complexe sportif de haut niveau, lieux de détente et de divertissement avec orchestre et fanfare, etc. Tout était pensé pour accompagner l’employé de l’entreprise de sa naissance à sa mort selon le concept de bonheur universel. L’idée sous-jacente était néanmoins de fabriquer les chaussures Bata au coût le plus faible.
Pendant soixante ans, Bataville a constitué un modèle inégalé de réussite industrielle et collective sous fond de culture idéologique et paternaliste. A son apogée, la grande usine Bata employait 2 600 personnes. Plus de 3,4 millions de paires de chaussures étaient produites chaque année.
Mais les premiers nuages noirs arrivèrent. Si bien qu’en 1997, au moment où la production avait chuté, un plan social entraîna la suppression de plus d’un quart des effectifs. Le dépôt de bilan fut prononcé quelques plus tard après occasionnant un véritable choc pour des milliers de familles. Durant soixante-dix ans, quatorze milliards de paires de chaussures sont sorties des chaînes de l’usine Bata dans la joie et la bonne humeur. La fermeture définitive de l’entreprise intervînt finalement en 2001. La fin de toute une époque.
Aujourd’hui, le temps semble s’être arrêté dans les immenses bâtiments qui ont inspiré les plus grands architectes des années 1930. Vidés de leurs machines, ils accueillent désormais une poignée d’entreprises et d’associations. Alors que la cantine et un bâtiment d’usine ont été classés Monuments Historiques en 2014, le périmètre de protection a été étendu à l’ensemble de l’ancienne cité depuis sa labellisation comme « Patrimoine du XXème siècle ». Histoire de faire vivre tant bien que mal ce bijou du patrimoine industriel lorrain.
Une réplique moderne du familistére de Godin, le tout détruit par la soif d’augmenter le pouvoir d’achat..au détriment des emplois…
Pour avoir mis les pieds une fois sur ce site, c’est dingue l’effet que ca fait. On a l’impression de voir encore les personnels passer le portail principal pour prendre leur fonction, on fait comme un retour dans le passé et que le site fonctionnait hier encore. Il y a encore les infrastructures sportives comme dans le villes minière a l’époque. Je ne saurais vraiment dire d’où est venu le problème, la chute et la fermeture…
Devant les grilles rouillées siglées d’un « B » reconnaissable, difficile d’imaginer que 2 200 employés travaillaient sur le site et que 4 650 000 paires de chaussures étaient produites par an en 1971. Bataville est un étrange ensemble fonctionnel aux lignes géométriques qui rappellent le Bauhaus. La signature visuelle de cette utopie paternaliste est le quadrillage rouge et blanc des façades de l’usine plantée au cœur de 487 hectares d’eau, de terres et de forêts achetés par Bata en 1931. Le site comprenait les bâtiments de l’usine, une cantine, une église, la toute première piscine extérieure de Moselle, des quartiers d’habitation, un étang, un complexe sportif avec terrains de sports et gymnase, un centre de formation ou encore une immense salle de bal où des centaines de convives ont guinché au son des plus grands orchestres de l’époque. C’est dur de se l’imaginer maintenant, mais c’était vraiment une ville parfaite, notamment pour les enfants.
Depuis, une partie des maisonnettes de briques rouges au toit plat de l’ex-cité Bata ont été converties en logements sociaux.